La danse du destin

Sarajevo, 12 ans après

inquiétude pour le futur des jeunes

Ecoutez le témoignage

Le marbrier Topcagic n’a jamais arrêté de sculpter des tombes pendant la guerre. Issu de l’Académie des Beaux Arts, la demande pour des pierres tombales était bien plus grande que celle pour ses créations artistiques. Aujourd’hui il continue à travailler dans son atelier submergé de poussière; ses cheveux ont blanchi à cause de la poussière, de l’âge ou peut-être à cause de ses propres soucis… En tout cas ses affaires semblent bien tourner; pendant qu’il vieillit un jeune assistant l’aide et il va bientôt prendre la relève.

Il me parle de son inquiétude pour le futur des jeunes … 

«  Sarajevo ça va pour ceux qui ont du travail, mais pour les autres?

Il y a une ambiance, une atmosphère de transition mais nous ne comprenons pas cette transition. C’est un problème… Des problèmes… Nous ne comprenons pas la transition vers l’Europe. Les routes, les maisons, tout est différent, tout est différent… La démocratie, tout est différent…Et puis les années passent… Quinze ans… Quinze ans et maintenant moi, il me reste peut-être encore cinq ans, et puis plus rien…Quelle est ma mission ? Pourquoi je travaille? Tous sont tristes, sans raison, plus ou moins sans travail, mais tristes, tous.

Et qu’ils aient des diplômes ou non, c’est pareil pour tous. C’est pareil.La guerre n’a pas changé le cerveau ou les pensées des gens… Beaucoup de bon propos, mais après rien. Quand c’est le moment de montrer ce qu’ on a appris de l’ histoire c’est encore la même chose, on répète les mêmes erreurs. De nouvelles personnes, de nouveaux amis, ça serait bien.Mais nous, nous ne pouvons pas y arriver. Nous ne pouvons pas…On a trop de vécu. Maintenant, il y a la nouvelle génération.

Les jeunes, eux, ils devraient s’en sortir, mais nous, nous ne savons pas, nous ne sommes pas faits pour ça, nous sommes différents, ancrés à notre passé trop lourd, notre Tito et le reste… Nous n’arrivons pas à aller de l’avant… à prendre un nouveau chemin, nous ne voyons pas l’Europe. Pas d’Europe ici…On va avoir des voitures, des impôts des choses nouvelles, mais pas d’autre choix… Non pas d’autres possibilités de choisirC’est comme ça.Pour les jeunes, les jeunes, ça ce sera pour les jeunes…le grand changement.Mais pour nous, rien ne change, rien ne va se passer…Dans 4-5 ans je suis à la retraite… Les gens nés la même année que moi, nous attendons de partir… Moi et les gens de ma génération…Nous avons beaucoup d’énergie, nous avons connu Markovic, le Marxisme, pendant trente ans… Dix ans d’inflation… Une année d’embargo et les problèmes… Quatre ans de guerre… Ça fait quinze ans… Et six ans d’après guerre, ça fait vingt et un ans, plus les trente ans de contraintes… On ne peut pas résister, c’est trop dur…Toutes ces longues années ont changé nos pensées »

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