La danse du destin

Sarajevo, 12 ans après

Tijana la musicienne

Ecoutez le témoignage

J’ ai retrouvé Tijana presque par hasard: je me trouvais à l’ académie de musique à la recherche des jeunes musicien que j’ avais photographié pendant le siège. Malheureusement aucune d’entre eux n’avait continué sa carrière professionnelle dans la musique. Une fille s’est reconnue sur une photo du Chœur du centre culturel Bosnie Club. C’était Tijana, qui à l’époque chantait dans cette chorale de filles des chansons traditionnelles bosniaques. Leur professeur avait décédé, et aujourd’hui c’est elle qui dirige cette même chorale. Ce n’est pas tout, car elle s’est engagée à fond dans la musique: elle accompagne les cours de danse classique au piano, chante et joue dans des concerts rock et…en général, tout ce qui a voir avec la culture l’intéresse.

« Je m’appelle Tijana Viknimic. Je suis professeur d’orchestre dans l’école de musique. J’ai étudié la musique à l’académie de Sarajevo. J’essaie de transmettre le savoir et la curiosité musicale à mes élèves. Je joue tout type de musique et je dirige une chorale de femmes. Ce cœur existait en 1995. Nous essayons de présenter la Bosnie dans sa plus belle lumière. J’adore le rock et vous pouvez me voir souvent dans les concerts. J’ai beaucoup réfléchi sur le fait d’être restée ici à Sarajevo pendant le siège. J’avais l’opportunité de partir en Italie, en Allemagne ou dans les Pays Bas. Mais j’ai décidé de rester. Si j’avais quitté le pays j’aurais du mal aujourd’hui d’y retourner et de regarder les gens en face, droit dans les yeux. Mais franchement je n’ai rien contre ceux qui aujourd’hui rentrent à Sarajevo. S’ils n’étaient pas riches pour rester dans le pays d’accueil, ils peuvent se permettre de mener la belle vie en Bosnie. Je les admire presque pour leur courage ou mieux pour leur culot de se montrer parmi nous en s’exclamant souvent «on a bien souffert loin de notre pays» Je pense que les gens, et surtout les jeunes doivent rester en Bosnie et se battre pour avoir une société et une vie meilleure car si tout le monde part qui va construire ce pays? Sûrement pas la vieille garde. On a besoin de la nouvelle génération. Sarajevo n’est pas malheureusement la même ville d’avant le conflit. Beaucoup de monde est parti, d’autres sont arrivés de la campagne et des villages tout autour avec différentes exigences. C’est ce qu’on appelle «urbicide»

Beaucoup de monde qui vit aujourd’hui ici n’est pas sensible à la culture. Par exemple, il n’y a pas assez de public aux concerts, aux exhibitions, aux rencontres littéraires. On va avoir beaucoup de festivals, de musique, littérature, art, mais le public n’est pas présent. C’est pour cela qu’il faut éduquer les gens.

Il faut empêcher que la ville ne devienne à jamais un village elle doit redevenir un centre culturel de la Bosnie et des Balkans. »

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